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Panneaux déboulonnés : un acte symbolique, pas de la délinquance !

Plus de 400 panneaux signalétiques d'entrées de villages ont été intervertis le 19 novembre par les JA et la FDSEA de Haute-Saône. Crédit photo : A.Coronel
Plus de 400 panneaux signalétiques d'entrées de villages ont été intervertis le 19 novembre par les JA et la FDSEA de Haute-Saône. Crédit photo : A.Coronel

Le démontage des panneaux signalétiques des entrées de villages, mené par les agriculteurs haut-saônois dans le cadre d’une action nationale de protestation, a provoqué des remous inattendus à Bouligney.

Dimanche 17 novembre, Anthony Marie, maire de la commune et président de la communauté de communes de la Haute-Comté, a décidé de porter plainte pour vol après la disparition du panneau de sa localité. Une démarche qui a surpris et attristé les agriculteurs à l’origine de cette action.

Dénoncer le mal-être agricole

Dans l’après-midi, des centaines de panneaux avaient été démontés dans tout le département avant d’être déposés, dans une mise en scène spectaculaire, devant la préfecture à Vesoul. Ce geste, coordonné par la FDSEA et les Jeunes Agriculteurs, visait à alerter sur le désarroi des exploitants face aux incohérences des politiques publiques et au manque de reconnaissance de leur travail. Arnaud Grandidier, membre du bureau de la FDSEA et élu municipal de Conflans, revient sur une action avant tout symbolique : « C’est une manière pacifique de crier notre détresse et de pointer du doigt des attentes sociétales contradictoires : on nous demande toujours plus en matière environnementale, tout en ouvrant les portes aux produits importés, qui ne respectent pas nos normes. Le message de cette action est de faire comprendre aux automobilistes que nous sommes perdus !  »

Une plainte qui fait débat

La réaction du maire de Bouligney a jeté un froid. Sur les réseaux sociaux, Anthony Marie a critiqué l’action syndicale, et qualifié les agriculteurs de « voleurs », avant d’exprimer son intention de déposer plainte à la gendarmerie. Arnaud Grandidier, décontenancé, relate : « J’ai tenté de le joindre pendant deux jours après avoir vu ses publications, mais il n’a pas répondu. Quand j’ai finalement pu l’avoir au téléphone, la plainte était déjà déposée. C’est vraiment regrettable. » Pour l’agriculteur, ce geste témoigne d’un manque de compréhension et de reconnaissance du rôle des exploitants dans les territoires ruraux : « dans nos communes, les agriculteurs rendent des services à tout le monde, souvent sans rien demander en retour. Quand un arbre tombe sur une route après un coup de vent, qui intervient ? Le plus souvent, c’est nous. »

Une tentative d’apaisement

Pour apaiser la situation et abréger l’enquête, Arnaud Grandidier s’est présenté spontanément à la gendarmerie avec l’un des jeunes agriculteurs impliqués. Il déplore toutefois que cette action syndicale ait été confondue avec un acte de délinquance : « Anthony Marie est le seul maire, sur les 400 villages concernés en Haute-Saône, à avoir porté plainte. C’est incompréhensible. La sous-préfète a même précisé que ses services prendraient en charge la remise en place des panneaux. » Selon lui, la justification avancée par Anthony Marie – se couvrir en cas d’infraction au code de la route – ne convainc pas : « Oser dire qu’il n’était pas au courant des problèmes des agriculteurs, c’est choquant ! Ignorer à ce point le rôle de notre profession dans l’économie rurale, c’est affligeant. S'il est attaché à la sécurité routière dans son village, il peut commencer par remettre en service le radar pédagogique en panne depuis plusieurs mois ! »

Une fracture entre élus et monde agricole

Cet incident illustre les tensions croissantes entre certains élus locaux et les agriculteurs, dans un contexte où les exploitants dénoncent un manque de soutien face à leurs difficultés. Pour Arnaud Grandidier, la fracture est symptomatique : « Nous ne demandons pas des privilèges, mais simplement que nos problèmes soient pris en considération. Ce genre de réaction ne fait qu’alimenter le sentiment d’abandon dans nos campagnes. » Reste à espérer que le dialogue permettra de retisser les liens entre les élus et une profession qui se sent de plus en plus incomprise.