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Viande brésilienne d’importation : le scandale de trop !

L’œstradiol-17β, stéroïde anabolisant d'origine naturelle, est utilisé dans de nombreux élevages brésiliens, mais aussi au Canada et aux Etats-Unis.
L’œstradiol-17β, stéroïde anabolisant d'origine naturelle, est utilisé dans de nombreux élevages brésiliens, mais aussi au Canada et aux Etats-Unis.

Alors que l'Union européenne s'apprête à ratifier l'accord commercial avec le Mercosur, permettant l’importation de viande bovine sud-américaine, les éleveurs européens s'inquiètent à juste titre de ses conséquences désastreuses. Un rapport d’audit européen donne de l’eau à leur moulin en dévoilant les lacunes structurelles de la filière brésilienne, notamment en matière de traçabilité et de conformité aux normes sanitaires européennes.

En 2017, l’opération Carne Fraca avait secoué l’industrie brésilienne de la viande en exposant des pratiques frauduleuses mises en œuvre au sein des méga-abattoirs. Ce scandale, qui s’était soldé par un embargo chinois sur la volaille brésilienne, reposait sur des certificats sanitaires falsifiés et l’emploi de détergents pour rafraîchir des carcasses avariées. Il avait profondément ébranlé la crédibilité des opérateurs brésiliens.

Paru il y a quelques jours, un rapport d’audit de la Direction générale santé de la Commission européenne enfonce le clou : il met en lumière des failles persistantes et structurelles dans la traçabilité de la viande en provenance du Brésil. Il révèle que, malgré les promesses d’efforts pour conformer le secteur aux exigences du commerce international, des lacunes restent béantes dans le contrôle et la certification qualité de la chaîne de production, lacunes concernant en particulier la documentation de l’emploi de médicaments vétérinaires par les éleveurs. Ce rapport souligne, entre autres, l’absence de garanties sur la non-utilisation d’hormones de croissance comme le 17-béta œstradiol, un anabolisant interdit dans l’UE à cause de ses effets cancérogènes.

Une union européenne schizophrène

Alors que les exigences auxquelles sont soumises les producteurs européens en matière de sécurité sanitaire mais aussi de protection de l’environnement ne cessent de se renforcer, avec des normes de plus en plus strictes, l’UE adopte une posture contradictoire en matière de commerce international. L’accord prévu avec le Mercosur, qui autorise l’importation de 99 000 tonnes supplémentaires de viande bovine en provenance des pays d’Amérique latine, met en lumière cette schizophrénie. D’un côté, l’Europe impose des standards de qualité et de sécurité alimentaire parmi les plus élevés au monde à ses producteurs, mais de l’autre, elle ouvre ses portes à des produits provenant de pays où les pratiques sanitaires, environnementales et sociales laissent encore à désirer. Cette politique illisible se double d’une incohérence éthique supplémentaire : alors que l’UE interdit l’usage de certaines substances sur son sol (produits phytosanitaires, mais également médicaments vétérinaires, dont les fameux anabolisants), elle en autorise pourtant la production sur son territoire… pour l’exportation !

Des mots et des actes

Face à l’énorme pression des éleveurs français, les dirigeants politiques français proclament dans les médias leur désaccord avec la ratification des traités de libre-échange : déclarations du président Macron, du premier ministre Barnier, de la ministre de l'agriculture Genevard, et dernièrement tribune parlementaire signée par plus de 600 députés et sénateurs... Mais dans les faits, les actions pour empêcher la signature de cet accord avec le Mercosur sont quasi inexistantes. Les autorités françaises n’ont par exemple jamais remis en cause le mandat confié à la Commission européenne pour négocier ce type de traités commerciaux au nom de l’Union. Affaiblie par sa crise politique intérieure, la France peine aussi à s’allier avec d’autres pays européens pour contrer la ratification et protéger efficacement ses filières d’élevage des importations indésirables. Dans les coulisses, la recherche active d’une minorité de blocage semble une stratégie bien floue et incertaine, et aucune véritable initiative n’a été prise pour stopper l’ouverture des marchés européens aux produits de moindre qualité sanitaire.

Un coup fatal porté à l’élevage français

L’accord avec le Mercosur ne risque pas seulement de mettre à mal l’économie de l’élevage européen en exposant les éleveurs à une concurrence déloyale et en entrainant tous les maillons de la filière dans la spirale de la décapitalisation du cheptel et du démantèlement des outils d’abatage et de transformation. Il pourrait déclencher une nouvelle crise de confiance chez les consommateurs, naturellement déjà portés à l’anxiété sur tous les sujets alimentaires

L’exposition possible à des produits carnés contenant des hormones interdites sur le territoire européen pourrait entraîner une nouvelle baisse de la consommation de viande, déjà affectée par des préoccupations environnementales et sanitaires. Les éleveurs européens, affaiblis par des années de crises climatiques et économiques, se retrouveraient ainsi pris en étau entre des prix de vente en baisse, des coûts de production qui ne cessent d’augmenter et une perte de confiance de la part du consommateur.

Ce que veulent nos chers EXPLOITANTS agricoles, ce n'est pas tant d'éliminer la concurrence déloyale, mais plutôt d'avoir le droit d'utiliser les mêmes merdes chimiques (pesticides hautement toxiques et perturbateurs endocriniens) et biochimiques (hormone, anabolisant et antibiotiques systématiques) que ces pays du mercosur.

Cet avis est un peu simpliste, non ? Les agriculteurs français ne sont pas différents de leurs collègues allemands, belges ou italiens : ils demandent, et ça me semble légitime, de pouvoir travailler dans des conditions similaires. La législation française (et européenne) s'est beaucoup durcie au cours des dernières décennies en matière d'utilisation des facteurs de production que vous évoquez, tant pour les productions végétales que pour les productions animales. Parfois pour des raisons de santé publique ou de protection de l'environnement, parfois par dogmatisme ou idéologie. D'autres régions du monde n'ont pas connu les mêmes évolutions règlementaires : le Canada, les Etats-Unis d'Amérique, par exemple, n'interdisent pas l'utilisation des "stimulateurs de croissance hormonaux" pour accélérer l'engraissement des bovins... Mais pour accéder au marché européen, ils doivent fournir la preuve qu'ils n'en ont pas utilisé sur les animaux candidats à l'export.