Sur l’exploitation du GAEC Petitjean à Vercel dans le Doubs, la journée technique du groupe herbe de Franche-Comté a exploré le thème des aménagements au pâturage. Et notamment celui de son organisation, art du compromis entre topographie, main-d’œuvre, capacité d’investissement…
Le 6 avril dernier, à Vercel, une petite centaine d’éleveurs ont participé à la journée technique sur le thème du pâturage organisée par le groupe herbe de Franche-Comté. L’exploitation sur laquelle avait lieu l’évènement, le Gaec Petitjean, s’intéresse de longue date à la gestion de l’herbe : elle a fait partie du réseau des fermes qui alimentaient la météo de l’herbe et les références régionales, grâce à des mesures hebdomadaires. En 2015, le GAEC a également fait aux services de conseil élevage pour dessiner et aménager le parcellaire proche du bâtiment d’élevage des laitières (34,5 ha pour une centaine de vaches). Dernier aménagement mis en œuvre, la pose d’une couche d’enrobé sur les chemins d’accès bétonnés d’accès à la voie communale et au parcellaire. « Les bétons avaient mal vieilli, car réalisés à partir de sable non-lavé, qui compromettait sa durabilité. L’entreprise a posé un enrobé agricole. », relate Jean-Marie Curtil, conseiller productions fourragères à la chambre d’agriculture interdépartementale du Doubs-Territoire de Belfort.
Chemins d’accès : un investissement à prévoir
Dans le domaine du pâturage tournant dynamique, le chemin d’accès joue un rôle important, qui va déterminer non seulement la circulation efficace des animaux, mais aussi d’autres paramètres tels que la santé des pieds, la propreté des mamelles… Aussi cet investissement prévu pour durer doit être mûrement réfléchi en amont, notamment pour desservir efficacement l’accès aux parcelles. « Différentes solutions sont possibles en matière de revêtement, détaille le conseiller, fiche technique à l’appui pour expliquer les préconisations d’usage : du tout-venant (pierres concassées tassées), un béton, de l’asphalte… avec des coûts qui dépendent entre-autres de la proximité des matériaux. » Il faut bien entendu tenir compte des contraintes topographiques, telles que la pente « au-delà de 30%, prévoir des marches, mais des marches adaptées aux vaches, c’est-à-dire sur lesquelles la vache peut poser ses quatre pattes ! » La pente est essentielle pour évacuer l'eau. Une pente naturelle est l'idéal bien-sûr mais ça n'est pas le cas partout. On peut alors en créer en bombant le chemin en son centre. Il sera ainsi surélevé avec un fossé de part de d'autre. Cette technique permet également d'anticiper le tassement naturel. Une exposition propice au soleil favorisera le ressuyage après les intempéries, tandis que les lisières de forêt, au contraire, nécessiteront un entretien plus fréquent pour évacuer les feuilles et branches mortes, dont la décomposition est un facteur de dégradation du chemin. La largeur du chemin sera à adapter en fonction de l'usage (rythme, taille du troupeau, fréquentation, passage d'engins, etc.). « Ici le chemin fait une largeur de 2,7 mètres, ce qui est suffisant pour la circulation du troupeau. Les clôtures sont bien positionnées pour éviter que les vaches ne puissent marcher à côté. » Dernier point à retenir, l’artificialisation de ces zones entraine leur sortie de la SAU, donnée qu’il ne faudra pas manquer de répercuter dans la déclaration PAC. « Malgré son coût important – ici 42 000 € à raison de 17,6 €/m² - le retour sur investissement est relativement court, à 7,5 ans : aux économies de fourrage et de concentrés permises par une meilleure valorisation de l’herbe sur pied s’ajoutent celles en matière de qualité sanitaire du lait et de santé du troupeau. »
Le découpage parcellaire : trouver la bonne formule !
Florian Anselme, responsable innovation et relations filières à la coopérative Eva Jura, a de son côté détaillé, en s’appuyant sur l’exemple du Gaec Petitjean, les fondamentaux du découpage du parcellaire et de sa conduite. « Au-delà de la taille et de la forme des parcelles – les fonds des longues parcelles sont toujours moins fréquentés - c’est important de regarder de près leur composition, la flore, pour essayer de faire les blocs les plus homogènes possible. Sinon les phénomènes de tri et de pâturage préférentiel vont encore renforcer l’hétérogénéité. », prévient-il. En matière de rythme, il n’y a pas de dogme, mais une formule sur mesure à trouver dans chaque exploitation, en fonction des préférences des éleveurs. « Selon le potentiel herbager, la densité de l’herbe, on compte de 1 à 1,5 are/VL/jour (soit deux repas), mais 1 are, c’est plutôt la situation Bretagne-Normandie… ici on est plutôt à 1,4 ares sur des prairies permanentes. Après, c’est vous qui dimensionnez la parcelle en fonction du temps de séjour qui vous convient. Pour un troupeau de 60 vaches, une journée c’est 84 ares. Trois jours, 2,5 ha, et cinq jours 4,2 ha ! » Contrairement à certaines idées reçues, la durée de séjour du troupeau dans chaque parcelle n’affecte que marginalement la productivité globale de la prairie, à l’échelle d’une saison de pâturage. « En revanche les fluctuations de lait au tank sont plus importantes si on allonge la durée de séjour dans une parcelle. Ce n’est pas toujours facile de se tenir aux règles qu’on a fixé au départ. » Les repères visuels de hauteur d’herbe en entrée et en sortie du pâturage restent fondamentaux pour éviter les deux principaux écueils que sont le surpâturage (qui compromet les repousses suivantes) et le sous-pâturage (synonyme de gaspillage). « Pour le 1er tour, qui a une fonction de déprimage, 8 cm suffisent pour entrer dans une parcelle, puis 12 cm par la suite. La sortie intervient à 5 cm, soit la hauteur du talon de la botte. » Quand le sec survient, il faut bien entendu adapter la conduite au ralentissement de la pousse de l’herbe. « Il faut garder de la souplesse, et éventuellement ne laisser les vaches que pour un seul repas d’herbe, s’il n’y en a pas plus. »