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ElvEa France : une décapitalisation du cheptel très préoccupante

Environ 80 congressistes étaient réunis à Paray-le-Monial, dont un certain nombre de responsables nationaux, pour l'AG d'Elvea-France. Crédit photo : Marc Labille
Environ 80 congressistes étaient réunis à Paray-le-Monial, dont un certain nombre de responsables nationaux, pour l'AG d'Elvea-France. Crédit photo : Marc Labille

À l’occasion de son congrès national qui s’est tenu à Paray-le-Monial le 4 septembre dernier, Elvea France s’est beaucoup inquiétée de la décapitalisation. Elle avait invité plusieurs représentants nationaux de la filière pour débattre de l’avenir de l’élevage.

Le 36e congrès d’Elvea France s’est tenu le 4 septembre dernier à Paray-le-Monial. La structure fédère toutes les associations d’éleveurs du territoire qui font le choix du commerce privé des animaux. Ces associations sont de véritables organisations de producteurs et elles assurent accompagnement quotidien des éleveurs, donnent accès à des filières, organisent la mise en marché… En Saône-et-Loire, c’est Elvea 71-58 qui représente le réseau Elvea et son président Jean-Michel Morel était heureux d’accueillir la structure nationale dont il est membre du bureau. Environ 80 congressistes venus de toute la France se sont retrouvés à l’Hôtel Le Prieuré de Paray-le-Monial. Le site choisi par Jean-Michel Morel a été très apprécié par les participants qui ont été accueillis dans un cadre propice aux échanges et à la convivialité.

Après une matinée à huis clos, le président national Philippe Auger a introduit la table ronde de l’après-midi en faisant part d’une vive inquiétude sur l’avenir de la filière. L’élevage bovin fait en effet face à une décapitalisation sans précédent et pour éclairer des éleveurs désorientés par tant d’incertitudes, les acteurs de la filière (commerçants en bestiaux, marchés, éleveurs, abatteurs, distributeurs) étaient invités à débattre.

Revalorisation qui arrive trop tard ?

Après des années de baisse chronique, « les prix de mes animaux ont soudainement plus que doublé », débutait Benoit Charbonnier, éleveur de 85 charolaises adhérent d’Elvea Centre. Un petit miracle en somme, qui aboutit aujourd’hui « à des prix cohérents », reconnaissait l’éleveur, mais qui ont trop tardé à venir… « J’aurais préféré que cette hausse soit beaucoup plus linéaire », poursuivait-il et d’interroger « que s’est-il passé pendant toutes ces années ? Si la hausse avait été plus linéaire, on n’en serait pas là aujourd’hui », regrette Benoit Charbonnier en parlant de la décapitalisation et de la baisse des installations… Car tandis que les prix des animaux tardaient à être revalorisés, les charges, elles, n’ont pas cessé d’augmenter. L’éleveur prend l’exemple d’un tracteur dont le tarif a plus que doublé. « Aujourd’hui, on brasse des chiffres, mais on n’a pas la sensation de vivre beaucoup mieux ».

Pénurie d’animaux…

Bien plus qu’une revalorisation consentie par une filière qui s’est trop longtemps fait attendre, c’est la pénurie d’animaux et de viande qui est à l’origine de cette flambée des prix. « On n’est pas débordé d’animaux. La rareté fait le prix », confirmait le représentant de la Fédération française des commerçants en bestiaux, Alexandre Carcouet. S’ils estiment maintenir leur volume d’animaux commercialisés, les commerçants en bestiaux ont beaucoup évolué ces dernières années, passant de 1.000 à 500-700 entreprises en douze ans. Ces dernières se sont restructurées et professionnalisées, confie Alexandre Carcouet.

Commerçants, abatteurs, industriels sont visiblement inquiets de la baisse de production en France. Face à cette situation de marché inédite, ils ne cachent pas leur crainte que le prix de la viande au consommateur atteigne une limite en risquant d’apparaître comme « un produit de luxe », estimait Philippe Pruvost, abatteur et représentant de Culture Viandes (syndicat des entreprises de la filière viande). « On a diminué nos marges », révélait Frédéric Bebiot, représentant d’Agromousquetaires (Intermarché) qui observait d’ores et déjà un changement de comportement de la part des consommateurs.

Renouvellement des générations

La pérennité de l’approvisionnement liée au manque de marchandise préoccupe bel et bien les acteurs de la filière. Aujourd’hui que les prix sont enfin au rendez-vous, c’est le renouvellement des générations et la transmission des exploitations qui ne sont plus assurés.

Comment inverser cette tendance alors que la moitié du cheptel est détenue aujourd’hui par des plus de 50 ans et que « 50 % des actifs en 2008 auront quitté le métier d’ici 2027 », révélait Caroline Monniot de l’Institut de l’Élevage.

Des solutions sont imaginées, envisageables, voire déjà appliquées pour soutenir l’engraissement : aides territoriales, mise en place d’animaux, contrat tripartite, filières, voire même intégration… Mais toutes ces démarches ne conviennent pas pour le naissage, convenaient les intervenants. Or l’enjeu est en effet de conserver « des moules à veaux » et donc des naisseurs pour assurer la production et la souveraineté alimentaire.

Des capitaux énormes à financer

« Beaucoup de naisseurs ont trimé pendant des années et n’ont donc pas encouragé leurs enfants à reprendre », commentait Benoit Charbonnier. Lui-même aurait bien aimé avoir un associé pour remplacer son père, mais le montant du capital à reprendre l’en a dissuadé et il a préféré continuer seul, confiait-il.

Il faut une solution pour financer le capital, poursuivait l’éleveur et il faut notamment aider les jeunes agriculteurs, ajoutait Guillaume Berger, directeur du marché de Saint-Christophe. Frédéric Bebiot indiquait qu’Agromousquetaires soutient déjà les jeunes à l’installation en finançant une partie de leurs vaches à l’engraissement avec engagement sur le prix… Guillaume Berger détaillait l’accompagnement sur cinq ans que propose le marché de Saint-Christophe. Frédéric Bebiot annonçait que son groupe propose aussi de garantir « ces 30 % d’apport dont ont besoin les banques dans le cadre de l’achat de moules à veaux pour des jeunes ».

« Il faut que la filière s’engage »

Mais ce financement du capital va de pair avec une vraie lisibilité sur les prix. « Le plus difficile à gérer, ce sont les fluctuations de trésorerie », témoignait Benoit Charbonnier. Un besoin de visibilité partagé par la transformation, abondait Philippe Pruvost. « Il faut que la filière s’engage pour de bon sur un coût de revient », régissait un éleveur vendéen. « La décapitalisation, c’est le résultat de tout cela ! », synthétisait Patrick Bénézit, président de la FNB faisant allusion à des prix qui pendant trop longtemps ne tenaient pas compte des coûts de production… Le responsable remémorait le nombre de fois que la filière avait promis qu’une augmentation des prix était impensable… « 3 €, 4 €, 5 €…, la valeur du produit, il était tout à fait possible qu’elle monte ! Et nous avons prouvé que ce sujet de la valeur, c’était bien le problème », poursuit Patrick Bénézit. Le président de la FNB ajoutait que pour l’installation, il y avait besoin de l’engagement d’une filière. « Pour renverser la tendance, il faut que la filière se prenne en main avec des garanties de prix », concluait Patrick Bénézit.